11 sept. 2012

Le Chat


Un jour, le chat s'éveilla. Un œil puis l'autre, une patte, la suivante. Il s'étira longuement. Son visage tout d'angles fait s'éleva vers le ciel, avec la grâce innée des félins. Largement, sa mâchoire s'ouvrit et les petits crocs porcelaine, un instant, sortirent de leur cachette. Et comme une vague soyeuse, la toison blanche mouchetée de noir en certains endroit, ondula doucement sur le corps nerveux de l'animal. La queue rayée de nuances anthracites, paresseusement balaya le sol. Une fois, deux fois. Alors, le chat se mit à marcher, noble et discret. Il fila entre les  pieds des meubles, passa la porte entrebâillée, contourna buissons et arbustes. Et jouant avec les ombres des lourds feuillages, il continua d'avancer, inexorablement.

On ne se méfie jamais assez de ce genre de choses, de ce genre de bêtes, de ce genre de femmes.

Ombres et lumières qui se disputent la peau de son visage. Le léger battement de ses cils, longs cils bruns à la courbe large et hautaine. La douce crispation de ses lèvres prune, le chuintement de ses dents qui se serrent, le halètement de sa respiration, tant elle la cherche. C'est tout ce que l'on ne verra jamais. Je  ferme les yeux, et je me souviens, alors même que cette vision est encore là, sous moi, sous mes doigts. Et le mot éclot, comme arraché de force à sa pauvre volonté. Je fais mine de ne rien comprendre, de ne rien entendre. Pauvre, pauvre chose. Comme elle, le verbe n'est plus rien qu'une idée abstraite, avec laquelle on joue comme le chat de sa pelote.

Mais tu ne t'es doutée de rien.

Qu'elle ne s'inquiète pas, elle n'oubliera jamais. Pas plus la dentelle émeraude de ses iris, jouant avec un coeur aussi noir et brillant, que son coeur. Oui, son coeur battant sous sa peau diaphane, si vite, si vite. L'autre qui se contentait de jouer avec la pointe de ses seins, tendue par le froid. C'est vrai, elle n'a rien vu venir. Et caresser, doucement, longuement ses cheveux longs. Et elle de la regarder, l'autre, comme si il n'y avait rien d'autre à faire. L'autre a cherché son corps, et elle a trouvé son corps. Et elle l'a vue. Et elle l'a crue.

Le chat est revenu cet impertinent. De sa démarche coulante, il était toujours là pour narguer l'autre. Il est passé, sans jamais que son regard d'azur ne les effleure et pourtant, il venait. Encore. Il venait. Et elle que ne le remarquait même pas.

L'autre se souvient du premier jour. Elle se souvient de sa peau comme un carré de soie beige, pale et vierge. Comme elle. Elle se souviens de la tension en elle, alors qu'elle venait de comprendre qu'elle la voulait. L'autre se souviens que c'est à peine si elle l'a remarquée. Elle se souvient de la frustration, de la haine. Et du chat.

Pauvre petite chose, ballotté par les événements, conduite de main en main, qui es tombée dans les siennes. Comme si il était possible que ce soit l'autre qu'elle regarde, réellement. Comme si l'eut été possible que son être naturellement, se tende vers l'autre. Comme sa poitrine si gracieusement offerte à ses yeux.

Mais elle n'a pas résisté, pas une seconde. Elle lui a tout donné. Elle lui a tout abandonné.

Elles se sont cachées, maintes fois, dans la forêt. Entre les arbres, jouant sur les lits de feuilles mortes, perdant leurs robes dans les recoins sombres, griffant leur peaux aux branches traîtresses. Il n'y avait que le chat pour savoir. L'autre lui a montré le chemin vers ce monde, celui des regard, celui des caresses infinies et de cette douceur presque animale. De cette grâce, presque féline de la femme. De ses dos cambrés, de ces épidermes frissonnants, de ces lèvres charnues, de ces poitrines gonflées, de ces gémissement chantant.

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